Présentation des Éditions de la Fondation AÏDARA CHERIF (Union pour l’éradication de la pauvreté en Afrique)

mercredi 3 septembre 2014.

Questions au Président de la Fondation, Chérif Yancouba AÏDARA

(Propos recueillis par le Bureau Europe de la Fondation – 27/08/2014)

Q: Monsieur le Président, pouvez-vous nous parler du parcours qui a été le vôtre et qui vous a conduit à la création de la Fondation ?

J’ai quitté le Sénégal très jeune, avec mon frère Vieux Aïdara, et nous avons tous deux parcouru et découvert le monde. Nous étions particulièrement intéressés par le milieu de l’entreprise et nous avons pu constater que partout la réussite économique et le progrès social vont de pair. Je me suis alors beaucoup interrogé sur le sort réservé à notre continent. Nous disposons d’un capital humain considérable (15,7% de la population mondiale, au 3ème rang derrière les continents asiatique et américain, ndr) et des ressources naturelles qui devraient nous permettre d’égaler, voire de surpasser économiquement nombre de grandes puissances actuelles. Nous vendons nos matières premières aux autres continents qui les transforment en produits finis ce qui créent leurs propres richesses.

Tandis que nos populations restent pauvres. Par exemple, nous vendons du coton brut à des entreprises étrangères qui nous vendent ensuite des chemises avec un grand bénéfice. Pourquoi les entreprises africaines ne seraient-elles pas capables de fabriquer des vêtements pour les Africains? Je pourrais dire la même chose pour le bois, le cuir, etc.

Il faut avoir confiance en nos propres capacités de redresser l’Afrique. Nous devons, nous aussi, profiter de la mondialisation et y prendre toute notre part. Il faut briser définitivement le pacte colonial. Le destin de l’Afrique n’est pas d’être dans la soumission perpétuelle.

Nous avons l’énergie, nous avons les talents et les capacités. C’est une question de volonté. De retour au Sénégal, mon frère et moi avons constaté des situations d’extrême pauvreté auxquelles il fallait faire face dans l’urgence. Au lieu d’agir au coup par coup, nous avons décidé de rationaliser notre action et nous avons eu l’idée de créer la Fondation AÏDARA CHERIF. Nous étions à la fin des années 1980. C’est en 1998 que La Fondation AÏDARA CHERIF a été reconnue d’utilité publique par le gouvernement du Sénégal. Aujourd’hui, nous avons des antennes en Gambie, en Guinée, Guinée Bissau et au Ghana. Dans tous ces pays, nous agissons au plus près des populations dans le besoin.

Q: Quelles sont les principales actions déjà à l’actif de la Fondation et quels sont les programmes de la Fondation AÏDARA CHERIF actuellement en cours ?

La Fondation a contribué depuis sa création à des centaines de distribution de biens de première nécessité et a mis en place des programmes de solidarité sociale sous la forme d’aide financière directe de dernier recours, de prise en charge des frais de scolarité pour les élèves méritants, de prise en charge des frais médicaux d’urgence, de soutien aux personnes sans emplois avec des enfants à charge, d’aide à la construction de logements sous la forme de dons de matériaux, d’accueil des orphelins dans les zones rurales.

Aujourd’hui, la Fondation, tout en poursuivant l’aide d’urgence, a mis en place des programmes orientés vers le développement durable, notamment dans le domaine de l’agriculture biologique et biodynamique ainsi que dans celui de la construction d’éco-villes modèles. Le cœur battant des éco-villes de la Fondation sera le complexe éducatif où sera prodigué un enseignement multilingue allant de la maternelle à l’université. Nous avons également le projet de créer un Institut des travaux publics qui aura pour mission de former des jeunes à tous les métiers du bâtiment avec l’objectif de former prioritairement des ingénieurs dans le secteur de la construction.

Les jeunes africains ne doivent pas se contenter d’emplois subalternes sur les chantiers. Ce sont eux qui doivent prendre les choses en main et diriger les chantiers au plus haut niveau. Il faut qu’ils soient formés à toutes les nouvelles technologies. Enfin, nous avons prévu l’implantation de centres de santQ: qui permettront d’offrir des soins accessibles à tous.

Q: Vous avez décidé de lancer les Éditions de la Fondation AÏDARA CHERIF, quels types d’ouvrages allez-vous proposer ?

La Fondation a décidé de se lancer dans l’aventure éditoriale en créant sa propre maison d’édition.

L’objectif est de créer une maison d’édition généraliste qui soit présente dans tous les domaines. Nous voulons faire de l’édition scolaire en proposant des manuels d’apprentissage des langues, français, anglais, arabe, chinois, portugais, adaptés aux élèves africains. Je lance d’ailleurs un appel aux enseignants, en activité ou retraités, qui souhaiteraient se lancer dans l’aventure de la conception de tels manuels.

Le multilinguisme est une spécificité africaine. Ce sera également une spécificité des Éditions de la Fondation AÏDARA CHERIF. Il y a en Afrique une expertise dans ce domaine que nous ne devons pas laisser disparaître. Les enseignants, fins connaisseurs des langues que j’ai citées, ont un devoir de transmission. De notre côté, nous allons recueillir ce savoir et le conserver en l’imprimant et en le diffusant.

A l’heure où la France vient de prendre conscience que la francophonie est un moteur économique et que l’avenir de celle-ci se joue en Afrique, nous contribuerons, à notre niveau, à ce renouveau francophone en éditant des ouvrages en langue française.

Pour rester dans le domaine de l’édition scolaire, mais cette fois pour le lycée, nous avons l’intention d’éditer un manuel de philosophie destiné aux lycéens africains francophones en ajoutant au programme classique des textes de philosophes africains qui méritent d’être mis à l’honneur et étudiés par nos élèves. Les Éditions de la Fondation AÏDARA CHERIF souhaitent aussi proposer des livres pour la jeunesse avec des bandes dessinées, des récits d’aventures, de la science-fiction, des contes et légendes d’Afrique. Nous les traduirons selon les besoins. L’objectif est de faire connaître les auteurs africains dans le monde entier. Nous serons ouverts également à la littérature, au théâtre, à la poésie et à l’Histoire.

Nous éditerons aussi des ouvrages consacrés à la religion et à la spiritualité. Les EFAC éditeront des livres traitant de questions de société ou d’actualité, des biographies et autobiographies, des guides touristiques aussi. Nous proposerons des livres autour de la thématique du développement durable, mais aussi des livres pratiques, comme les livres de cuisine, de bricolage, de santé naturelle, de mieux-être. Enfin, nous faisons appel aux photographes et aux artistes en général car nous avons l’intention de publier des livres de photographies et des livres d’art.

Cette liste n’est pas exhaustive. Nous sommes ouverts à toutes les propositions des auteurs et nous attendons les talents qui, nous le savons tous, sont nombreux en Afrique. Par exemple, nous pourrions également éditer des expatriés, s’ils le souhaitent.

Q: Pouvez-vous nous expliquer comment est née cette idée de créer les Éditions de la Fondation AÏDARA CHERIF ?

Créer une maison d’édition au sein de la Fondation me paraît une suite logique de mon combat pour le développement économique de l’Afrique et plus de justice sociale. D’abord, les EFAC doivent contribuer au « développement productif » de l’Afrique. Les livres seront imprimés en Afrique. Ils seront vendus à un prix accessible au plus grand nombre.

Nous voulons faire la promotion du « Made in Africa » en montrant qu’il est possible de produire des objets sur le continent. Nous sommes aussi capables en Afrique de produire des livres numériques, et c’est ce que nous avons l’intention de faire.

Deuxièmement, nous appliquerons ce que nous prônons, à savoir le développement durable. Nous serons très attentifs à la provenance du papier qui sera exclusivement certifié issu de forêts gérées durablement. Les EFAC seront de l’édition éco-responsable.

Troisièmement, même si la francophonie est un atout que nous ne devons pas perdre au profit de ce que d’aucuns appellent le « globish », nous devons cultiver notre multilinguisme originaire. Enfin, c’est l’élément le plus important, c’est pourquoi je l’ai gardé pour la fin. Je vais citer le grand humaniste Albert Jacquard qui avait dit « Appartenir à l’espèce humaine, c’est être dépositaire du trésor de questions, de réponses, d’angoisses, de projets peu à peu accumulés par ceux qui nous ont précédés ».

Chaque être humain se construit grâce aux autres, et les livres sont un formidable moyen d’accéder aux pensées, idées et visions de nos semblables. C’est pourquoi, les EFAC mettront les livres à la portée de tous. Et peut-être éditerons-nous des auteurs qui proposeront des idées nouvelles pour construire des sociétés africaines meilleures et plus justes. C’est ce que je souhaite.

Monsieur le Président, je vous remercie de ces réponses.

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