vendredi 6 janvier 2017.
Je forme des vœux pour que s’ouvrent les frontières afin que chacun puisse circuler librement car cette liberté est la meilleure manière de combattre la violence et la guerre. C’est, en effet, par la rencontre et la fréquentation des autres peuples que l’on apprend à se connaître, à se respecter et, conséquemment, à s’aimer. Plus nous nous rencontrerons, plus s’implanteront dans nos cœurs le pardon, la fraternité et, ainsi, plus aisément, parviendrons-nous à substituer aux pulsions de violence et de mort, qui parfois nous submergent, le désir et l’amour de la vie.
Je forme des vœux pour que chacun, en ces temps de violence extrême, trouve la force de résister à la méfiance, au rejet et à la haine de l’autre et se garde du raisonnement erroné qui consiste à généraliser en concluant de quelques-uns (une très faible minorité de malfaisants) à tous, car une méfiance excessive conduit immanquablement à une destruction collective. Sachant que plus on a peur, plus on donne de la force à la haine et au désir de destruction qui ont pris possession de certains d’entre nous, il est indispensable de faire l’effort d’extirper du fond de nos cœurs cette peur de l’autre.
C’est, de plus, le meilleur remède pour nous libérer et nous permettre d’aller de l’avant dans nos propres vies. Face à ceux qui viendraient avec l’intention de nous détruire, il faut opposer les armes de la fraternité et de l’amour afin de les détourner de leurs objectifs, car tous les êtres humains peuvent changer, en bien comme en mal. De la même manière qu’une faible quantité de sucre se dissout aisément dans une grande quantité d’eau au point que l’on n’en sent même plus le goût, la haine se dissipe quand les peuples choisissent la fraternité et, ainsi, les cœurs fielleux deviennent invisibles dans les sociétés généreuses.
En outre, la guerre est un mal en ce qu’elle fait plus de méchants qu’elle n’en emporte (1). C’est ainsi que chacun de nous, en nettoyant son cœur, peut contribuer à la paix.
Pour le continent africain, en particulier, je forme des vœux pour que tous ceux qui sont en mesure d’agir unissent leurs forces pour un vrai développement au bénéfice des peuples, plutôt que de se battre perpétuellement pour la seule conquête du pouvoir, sans autre objectif que l’accès aux privilèges qui lui sont corrélés. Sans projet de développement, la lutte sans fin pour cette illusion de toute-puissance qu’est le pouvoir, mène inéluctablement aux conflits, au chaos et à la destruction des sociétés africaines. Il y a mille autres façons de servir son pays.
L’esprit de commerce, disait Montesquieu, unit les nations et l’effet naturel du commerce est de porter à la paix. Deux nations qui négocient ensemble se rendent réciproquement dépendantes : si l’une a intérêt d’acheter, l’autre a intérêt de vendre ; et toutes les unions sont fondées sur des besoins mutuels (2). Commerçons et échangeons entre nations africaines plutôt que de s’ignorer, ou pire, de se combattre !
Il est grand temps de se rassembler et, par nos efforts communs, de servir les peuples d’Afrique, fatigués de souffrir, en leur apportant l’accomplissement qui leur est dû et en créant les conditions du renouveau et de l’espérance qu’ils méritent, chacun à la place qui est la sienne, main dans la main, y compris avec les politiciens, du moins ceux d’entre eux animés d’une volonté authentique d’œuvrer pour le bien de leurs concitoyens.
Pour tous, je forme des vœux pour que nous trouvions la détermination et le ressort nécessaire pour sortir de ce « chacun pour soi » triomphant, qui est l’essence de l’air du temps, afin de chercher ensemble des solutions, la première étant de retrouver l’esprit de partage, car il n’y aura de paix pour personne si l’on continue à accroître les causes du déséquilibre insensé entre les riches et les pauvres, afin qu’au bout du compte, nous n’ayons plus peur d’ouvrir nos frontières, nos portes et nos cœurs.
Je forme des vœux pour que nous ayons encore suffisamment d’amour en nous pour avoir l’envie d’en donner. Ne nous résignons à rien, tout est toujours possible, si on le veut !
Chérif Yancouba AÏDARA
(1) Projet de paix perpétuelle, Emmanuel Kant, 1796, Premier Supplément
(2) De l’Esprit des lois, Montesquieu, 1748, livre XX, chap. II