Archive – article du samedi 9 juin 2012.
Appel du président-fondateur de la Fondation AÏDARA CHERIF (Union pour l’éradication de la pauvreté en Afrique), Chérif Yancouba AÏDARA, pour un renouveau économique, social et culturel en Casamance et pour l’instauration d’un espace écologique africain.
Je tiens d’abord à remercier tous ceux qui se sont déplacés de toute la Casamance, et des autres régions du Sénégal, pour ce grand rassemblement pour la paix qui a eu lieu à Ziguinchor le 19 mai dernier. Je remercie en particulier la jeunesse casamançaise emplie de rêves et d’espérance, et que, pour cette raison, nous avons le devoir d’aider à entreprendre et à réussir dans cette région qui est la leur et qui recèle tant de richesses et de potentialités. La souffrance de la Casamance, qui est peut-être une sorte de parangon de celle de notre continent tout entier, doit cesser.
Le moment est venu de sortir notre région de cette aporie meurtrière où, durant de trop longues années de guerre, des générations entières de Casamançais, sans emploi et sans perspective d’en trouver un, ont été décimées, qu’il s’agisse des adultes ou des jeunes, n’ayant jamais eu, leur vie durant, l’opportunité de connaître l’expérience du monde du travail.
Comment une région pourrait-elle sortir indemne d’un tel traumatisme ? C’est pourquoi, dans le dessein d’envoyer un signal fort à cette jeunesse qui a la volonté d’entreprendre et une soif inextinguible de réussir, il faut faire du développement économique, social et culturel de la Casamance, non une simple intention, mais une réalité tangible.
La pauvreté, ferment de la violence et de la haine destructrice.
La pauvreté étant le ferment de la violence et de de la haine destructrice, seul le développement des richesses que recèlent la terre et le peuple casamançais, dans l’esprit de solidarité et de partage, qui caractérisent l’âme de notre région, favorisera l’unité et la paix sociale. Je suis, pour ma part, convaincu que la Casamance est une opportunité de développement pour notre pays tout entier et l’Union pour l’éradication de la pauvreté en Afrique est prête à prendre part à cette revitalisation d’une région dans laquelle elle combat depuis quinze ans, anonymement et en totale autonomie financière, l’état d’abandon, voire de mépris, dans lequel est plongée une grande partie de la population casamançaise.
La Fondation a d’ores et déjà recueilli de multiples avis favorables en évoquant, auprès d’un grand nombre de villageois, un projet d’envergure d’implantation d’éco-villages, lesquels auraient le double avantage d’engager la région sur la voie du développement durable tout en permettant à des milliers de villageois de se nourrir, de se loger, de se soigner, de se former et d’éduquer leurs enfants.
Par la suite, nous comptons étendre ce programme aux quatorze autres régions du Sénégal. Nous souhaitons, de cette façon, valoriser les potentialités régionales tout en y préservant les ressources pour les générations futures, notamment par l’utilisation des énergies renouvelables et par la mise en œuvre d’une agroécologie, seule garante de la pérennité de nos terres cultivables.
Notre but est que chaque Casamançais, où qu’il vive, puisse le plus rapidement possible bénéficier, dans son quotidien, d’améliorations concrètes. Par ailleurs, parce que la Casamance dispose de prodigieuses potentialités de développement et de créativité et que toute la population, après deux décennies de guerre fratricide, est en attente d’un prompt rétablissement du mieux-vivre, et qu’en outre, la jeunesse casamançaise est prête à travailler tout de suite, nous proposons que soit instaurée une zone franche qui inciterait les entreprises à s’installer en Casamance, créant ainsi des milliers d’emplois.
Afin que cette initiative bénéficie réellement aux Casamançais et, de manière à ne pas léser le tissu économique existant, si ténu soit-il, la Fondation propose que toute entreprise désirant s’installer en Casamance le fasse nécessairement en partenariat avec une entreprise casamançaise. Dans le but de préparer cette initiative, tous les jeunes casamançais en recherche d’emplois doivent bénéficier dès maintenant d’un accompagnement et d’une formation professionnelle pour répondre aux besoins des nouvelles entreprises.
Les derniers événements politiques dans notre pays nous ont rappelé que, lorsqu’une société tourne le dos à sa jeunesse, elle est fatalement condamnée au déclin.
Nous ne pouvons pas continuer à regarder passivement à la télévision les images de nos jeunes qui, dans l’espoir de trouver, sur un autre continent, une vie décente qu’ils n’ont pas dans leur région, finissent, au mieux, comme de vulgaires repris de justice dans les geôles d’une vieille Europe qui commence elle-même à péricliter et, au pire, dans les eaux d’un quelconque océan sans que, parfois, malheureusement, aucun secours ne daigne venir les y sauver.
Aujourd’hui, créer des emplois en Casamance, et dans toutes les autres régions de notre pays, c’est sauver des vies. Enfin, parce qu’il est urgent de prendre conscience de nos responsabilités envers la nature, patrimoine commun dont nous ne sommes que les dépositaires et que, pour cette raison, nous devons préserver, je propose que se tienne à Dakar le 15 décembre 2012 une rencontre internationale de toutes les organisations non gouvernementales africaines engagées dans le développement durable.
Il s’agit d’élaborer un espace écologique africain, sorte de répertoire d’actions concrètes, (dans les domaines de l’habitat écologique, de l’agriculture biologique, des énergies renouvelables, de la lutte contre la déforestation, du recyclage des déchets, de la mise en œuvre de programmes scolaires de sensibilisation aux grandes problématiques environnementales, etc.) dont l’objectif est de sauvegarder les ressources environnementales africaines.
Lors de cette rencontre, chaque association présentera un programme environnemental, en projet ou en cours de réalisation, adapté aux problématiques de sa région. Une liste commune de doléances relatives au domaine de la préservation de l’environnement sera établie et adressée à tous les gouvernements. Il est nécessaire que les ONG unissent leurs efforts pour coordonner leur lutte pour la préservation des ressources naturelles africaines en élaborant une stratégie de développement durable fondée, notamment, sur une coopération concrète avec les États.
Nos régions ne peuvent plus accepter de voir sacrifier l’environnement et la qualité de la vie au profit d’intérêts économiques à court terme, souvent étrangers, reportant sur les générations futures la charge des réparations et le fardeau des nuisances qui pèsent toujours plus lourdement sur les plus pauvres d’entre nous, car, rappelons-nous l’avertissement prophétique des amérindiens qui, malheureusement, ne furent pas en mesure de résister à la logique européenne du profit :
« Quand le dernier arbre aura été abattu, quand la dernière rivière aura été empoisonnée, quand le dernier poisson aura été pêché, alors on saura que l’argent ne se mange pas ».
Les gouverneurs, les préfets, les présidents des conseils régionaux, parce que ce sont des femmes et des hommes de terrain et qu’ils vivent au plus près des populations, aussi bien en Casamance que dans les autres régions du Sénégal, peuvent assurer la gestion des ressources naturelles en partenariat avec les associations non gouvernementales. Nous sommes ensemble, citoyens, associations, État, responsables de la destinée de notre pays.
Aussi, je forme des vœux pour que la Casamance se réunisse et se rassemble afin de permettre de laisser libre cours à l’imagination des esprits novateurs, de tous ceux qui préfèrent bâtir plutôt que détruire, en relevant le défi du développement de la richesse de ce joyau qu’est notre Casamance, et pour qu’un jour prochain, elle devienne un exemple pour toutes les autres régions du Sénégal et des autres pays d’Afrique.
C’est à une vision du développement, dans le respect de la nature, de la qualité de la vie, et au bénéfice des hommes d’aujourd’hui et des générations futures, que j’aspire, et vers laquelle je souhaite qu’ensemble, nous nous tournions.
Chérif Yancouba AÏDARA Président-Fondateur de la Fondation AÏDARA CHERIF Union pour l’éradication de la pauvreté en Afrique
Lien vers le quotidien le messager : http://www.wmaker.net/lemessagersn/